- WU DAOZI
- WU DAOZISous le règne de l’empereur Minghuang (713-756), la capitale chinoise Chang’an, centre culturel, commercial et politique de l’Asie, vit éclore la fleur de la poésie et de la peinture: «l’Immortel de la poésie» Li Bo (699-762), «le Saint de la poésie» Du Fu (712-770) et «le Peintre divin de cent générations» Wu Daozi.De l’artisan au courtisanSi les écrits sur la vie de Wu Daozi abondent, il s’agit surtout de légendes qui font apparaître le caractère extraordinaire de son génie. En fait, sa biographie est très peu connue. On ignore sa date de naissance. Tout au plus sait-on qu’il est originaire de Yangdi, près de Luoyang. Orphelin et peu fortuné, Wu Daozi aurait appris la peinture et la sculpture dans l’atelier de Zhang Xiaoshi, spécialiste de peintures murales et de sculptures religieuses. C’est là qu’il aurait rencontré le célèbre sculpteur Yang Huizhi qui, reconnaissant la qualité inférieure de sa propre peinture comparée à celle de Wu Daozi, aurait pris la décision de se consacrer uniquement à la sculpture. Wu Daozi possédait également une solide formation de sculpteur, et sa peinture porte la marque – réalisme puissant allié à l’élégance – de cet art en continuelle évolution depuis l’époque des Six Dynasties.Il semble que les débuts de Wu Daozi aient été difficiles. Il quitte l’atelier de Zhang Xiaoshi, prend un poste très subalterne de scribe dans le Sichuan et profite de ce séjour pour dessiner des paysages. Plus tard, Wu Daozi se rend à Luoyang et mène une vie vagabonde. Ce n’est qu’à l’ère Kaiyuan (713-740) qu’il est distingué par l’empereur. Après son entrée à la cour, sur l’ordre de l’empereur Minghuang, son nom est changé en Daoxuan. La consonance taoïste de cette appellation incline à penser qu’elle correspond à la phase taoïste de l’évolution religieuse du souverain, c’est-à-dire vers l’an 736.Wu Daozi s’installe dans le palais, où il travaille pour l’empereur. De peintre obscur rangé dans la catégorie des artisans, il devient «doyen de la peinture» et doit apprendre les arts nobles tels que la calligraphie et la poésie. Le célèbre Zhang Xu est son maître de calligraphie, et He Zhizhang l’initie à la poésie. Mais, selon Shang Yanyuan, ses tentatives en ces deux domaines ne sont guère fructueuses, et Wu se consacre uniquement à la peinture. La date de sa mort est inconnue, mais se situe peut-être pendant la révolte d’An Lushan en 756.Des anecdotes significativesIl existe de nombreuses légendes pittoresques sur Wu Daozi. S’inscrivant dans la tradition des grands poètes et calligraphes Tang, il aimait beaucoup le vin, dans lequel il trouvait son inspiration. Très impressionné par la danse d’un général, il en aurait imité la fougue dans ses peintures. Ses cinq dragons peints dans le palais impérial se seraient animés les jours de pluie, et le vent aurait soufflé autour de ses Immortelles. D’autres légendes veulent que les étendards de ses cinq empereurs se soient agités et que la fraîcheur de l’eau ait été sensible dans ses paysages.Ses représentations de personnages se caractérisent par les mouvements des étoffes, rendus par des ondulations d’un trait extrêmement vigoureux. Wu Daozi se distingue de ses contemporains par la sobriété et la légèreté de ses coloris, caractéristiques qui se retrouvent dans ses paysages.Sa rapidité d’exécution est restée légendaire. Pendant l’ère Tianbao, l’empereur Minghuang lui ordonna, ainsi qu’à Li Sixun, de se rendre au Sichuan pour y peindre les fameuses vues du fleuve Jialingjiang. Contrairement à son collègue qui revint avec de nombreuses esquisses, Wu Daozi ne rapporta rien. Aux questions de l’empereur il répondit qu’il se souvenait de tout. Effectivement, il acheva en une demi-journée l’immense peinture murale des Trois Cents Li le long du fleuve Jialingjiang , alors que Li Sixun mit plusieurs mois pour arriver à bout de sa tâche. L’empereur jugea les deux œuvres d’un mérite identique.Une œuvre en grande partie détruitePlus de trois cents décorations murales exécutées par Wu Daozi ont été cataloguées. Le maître s’entourait de nombreux disciples et se contentait souvent de tracer les contours du dessin. Ses œuvres n’étaient généralement pas colorées, et ce fut la naissance d’une technique nouvelle: le baimiao (dessin). Malheureusement, la plupart de ses peintures furent détruites au cours des persécutions dirigées contre le bouddhisme entre 841 et 845. Déjà au XIIe siècle, les fameux peintres-poètes Su Dongpo et Mi Fu ne retrouvèrent que deux ou trois peintures murales attribuées à Wu Daozi. Aujourd’hui, rien ne subsiste de son œuvre, et les quelques peintures qui lui sont attribuées sont d’une authenticité fort douteuse. Il en est de même pour les estampages. Une prétendue copie Nativité et présentation du Bouddha se trouve dans la collection T. Yamamoto, à T 拏ky 拏. En fait, ce rouleau horizontal ne date que du XIIIe siècle, les cachets des collectionneurs en font foi.Le sujet, fantastique, est traditionnel. Le rouleau commence en bas, à droite, par deux personnages qui chevauchent et escortent un dragon jusqu’au roi céleste entouré de gardes et de dames d’honneur. Un monstre, assis sur un rocher et entouré de flammes à travers lesquelles on entrevoit le visage du Bouddha, annonce, semble-t-il, à la reine une naissance prochaine. Plus loin le roi et la reine présentent l’enfant. Un monstre clôt le rouleau. Un des colophons attribue l’œuvre au peintre Li Longmian (actif entre 1070 et 1100). Cette appréciation n’est pas à rejeter. Cependant, la peinture, qui reste dans la tradition de Wu Daozi, ne possède ni la finesse du trait de Li Longmian ni la vigueur de celui de Wu Daozi.Il est vraisemblable que les nombreuses tombes princières décorées de peintures qui ont été découvertes en Chine pourront aider à comprendre les sources picturales de l’art de Wu Daozi.
Encyclopédie Universelle. 2012.